L'édito du mois de mars 2023

J’avise et il m’avise

Rester en silence devant le tabernacle ou devant le Saint Sacrement exposé

Je vous partage ce passage d’une conférence d’un connaisseur du curé d’Ars, ce grand saint qui avait une expérience de l’adoration.

Dans sa paroisse, il y avait un paysan qui avait compris le sens de l’adoration. Il passait des heures en adoration dans l’église en rentrant des champs. Un jour le curé d’Ars a osé l’interroger en lui demandant : « Dites-moi, qu’est-ce que vous lui dites au Bon Dieu dans tout le temps où vous restez devant Lui ? » Le curé d’Ars n’espérait pas prendre un cours d’oraison, il était, lui-même, pas mal avancé sur le sujet ! Mais il était curieux d’entendre comment un paysan pourrait rendre compte de sa vie mystique.

« Oh monsieur le Curé, je ne lui dis pas grand-chose, je l’avise et il m’avise ! »

Ce paysan n’a pas pu le dire en ces termes car il ne parlait pas français, mais le patois de la région, c’est-à-dire « ze l’aveuze et il m’aveuze ! » Le sens de ce verbe aveuzer qu’on a transcrit trop rapidement par aviser. Aveuzer, c’est un verbe que les paysans n’utilisaient pas à tort et à travers, ils l’employaient particulièrement dans cette situation : quand ils avaient ensemencé leurs champs, les dimanches qui suivaient, l’après-midi, ils allaient faire un tour pour inspecter ce qui se passait et quand on leur demandait ce qu’ils faisaient, ils répondaient : z’aveuze ! Ils regardaient mais évidemment sans rien voir puisque rien n’avait encore poussé, mais eux savaient ce qu’il y avait dans la terre et ils rêvaient de moissons abondantes. Eh bien, voilà ce que faisait ce paysan devant le Saint-Sacrement, il l’aveuzait ! C’est-à-dire qu’il ne voyait rien, il n’avait pas de vision surnaturelle, il ne voyait qu’une hostie dans un ostensoir quand le Saint-Sacrement était exposé où simplement présente dans le tabernacle ; mais, comme le paysan qui ne voyant rien, sait ce qu’il y a dans son champ, il savait ce qu’il y avait dans cette hostie ou plutôt il savait Qui était présent dans cette hostie.

« Je l’avise et il m’avise », autrement dit on se regarde dans le blanc des yeux ! Voilà l’acte de foi auquel nous sommes invités quand nous venons à l’adoration eucharistique, nous ne sommes pas obligés de le dire en patois, l’essentiel, c’est que nous puissions croire selon les paroles du curé d’Ars qu’Il est là, Jésus est là, le Fils du Dieu tout-puissant est là, pour moi et pour le monde entier.

Rester en silence devant le tabernacle ou devant le St Sacrement, « c’est aussi s’exposer au regard du Seigneur qui sait ce qu’il y a en moi puisque c’est lui qui, sans faire de bruit, a déposé tous ces trésors au fond de mon cœur ! Quand j’ai tendance à me dévaloriser, quand les autres me blessent en me rabaissant, vite à l’adoration, le regard du Seigneur vient réveiller le meilleur de moi-même, le regard du Seigneur qui se pose sur moi me redonne ma dignité. »

Père Jean Yves LEBOEUF, curé de la paroisse Saint Jean Louis du Levant

Joyeux carême !

Chronique de Mgr Bataille

Nous entrons aujourd’hui en Carême, un temps de vérité et de conversion qui nous oriente vers Pâques, et ce n’est pas un temps triste. Nous ne sommes pas obligés de faire une tête de carême en ce Mercredi des Cendres ! Le Christ est même très clair dans l’Évangile de ce jour : « Ne prenez pas un air abattu comme les hypocrites, ils se font une mine défaite pour bien montrer qu’ils jeûnent ». Jésus nous invite plutôt à nous parfumer la tête, à être joyeux.

Qu’est-ce que la joie ? Elle est un élan du coeur, une ouverture à la vie, aux autres, à Dieu, une ouverture à l’amour, dans la simplicité et l’humilité. La joie est faite d’accueil, mais aussi de décision. Nous sommes invités à choisir la joie, à choisir de l’accueillir, de la donner.

Le plaisir, c’est ce qui me fait du bien à moi tout seul. La joie, c’est ce qui fait du bien à moi et aux autres. C’est ainsi qu’elle grandit. Le plaisir est passager, superficiel, solitaire, il lasse. La joie, elle, est profonde, elle est partagée, elle se renouvelle sans cesse.

Mais comment choisir la joie et comment la partager ? Tout simplement en choisissant d’aimer, toujours et partout, jusqu’au pardon. En choisissant de servir, de se donner aux autres, dans les petites choses de la vie, pour les rendre heureux. Choisir la joie, c’est choisir de sourire, car sourire c’est donner un peu de joie aux autres. Mère Teresa disait : « Nous ne saurons jamais tout le bien que peut faire un sourire ». C’est si simple et c’est si bon.

Choisir la joie, c’est aussi choisir des paroles positives, de douceur, de tendresse, de consolation, mais dans la vérité car les paroles fausses ne font aucun bien. La vie n’est pas si facile et nous avons besoin de nous soutenir les uns les autres, de nous encourager à vivre, à aimer, à espérer, à nous donner.

Choisir la joie, c’est aussi choisir d’accueillir Dieu, de vivre en sa présence. Car sa présence est source d’une joie profonde, elle apporte la paix, la confiance et l’espérance. Oui, Dieu est là, à mes côtés, y compris, et peut-être tout particulièrement, dans les difficultés et les épreuves. Je peux toujours compter sur cette présence si prévenante.

Choisir la joie, enfin, c’est savoir dire merci à Dieu et aux autres, en repérant et en s’émerveillant de tout ce qui est bon et beau, comme des enfants.

Oui, la joie est un cadeau à accueillir et à offrir, car « la joie se partage » selon la belle formule de RCF. Alors profitons de ce Carême pour rechercher un peu moins de plaisirs et donner beaucoup plus de joies. C’est tellement meilleur, et cela nous oriente naturellement vers la joie de Pâques.

Alors joyeux Carême à chacun !

+ Sylvain Bataille
Evêque de Saint-Etienne

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